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SOMMES-NOUS MODERNES ?

  • joel GUEGUEN
  • 21 nov. 2024
  • 7 min de lecture

Ce 20 novembre est un anniversaire. Comme il y en a des millions tous les jours. Mais ….différent. C’est celui du mariage de (la future) Elisabeth II.

Donc, les journalistes ont fait leur travail. Et m’ont ravivé la mémoire d’une chose que je n’ai jamais sue et dont je me contrefiche.

Toutefois, le journaliste-historien nous apprend que ce mariage a fait entrer l’Angleterre dans « la Modernité ». Oups.


Oups. Car là, je ne m’en contrefiche pas. Bien au contraire.

« Modernité, modernité, vous avez dit … modernité. Comme c’est étrange ».

(Pour les plus jeunes : plagiat du film de Marcel Carné, Drôle de drame avec Louis Jouvet, 1937).

 







Sommes-nous modernes ?

Est-ce si important de le savoir, hormis pour quelque rhétoricien ?

 

De suite, ma réponse est « non, pas important, mais très important. Voire grave ».

 

Découpons en tranches quelque peu simplistes, je vous l’accorde, mais notre propos n’est ni de philosopher ni de nous perdre.

Par ordre d’apparition à l’écran :

Traditionalisme : ce qui fait valeur, ce qui fait sens, et par extension, détermine tous les actes, c’est le passé. En dehors ce qui a été, point de salut. Résultat : rien n’avance jamais. Par définition.

Modernité. Si on reprend les propos journalistiques, l’Angleterre y serait entrée ce 20 novembre 1947.  Pourquoi pas ? Mais il faut entendre ce qu’il y a derrière le mot de modernité.

 

Prenons comme simple apéritif (car les articles, discours et traités sur le mot sont aussi nombreux que contradictoires) ce que nous donne Wikipédia au début :

Le mot "modernité" vient de l'adjectif "moderne", lui-même issu du latin tardif « modernus » qui signifie "récent" ou "actuel" — et de l'adverbe modo - qui signifie "à l'instant" ou "il y a peu.

Dit en terme plus directs, « en phase avec son temps ». Exit le Traditionalisme, vive « le Moment ».

Avec le recul du temps, on peut trouver cela quelque peu cocasse, voyant comment cette Elisabeth II a plus que jonglé avec Passé et Présent (au détriment, nous disent les tabloïdes de sa bru, Lady DY).

 

Mais cette notion de Modernité ne peut se suffire du simple "être égal au Présent".

Elle implique également une valorisation dynamique.

Être « de son temps » (être moderne) ne suffit pas à être moderne. Si cela était, une grande majorité de jeunes, tombés dans le chaudron de l’informatique, des réseaux sociaux et tablettes, seraient modernes. Dieu sait que j’en vois (pas vous ?) une énorme majorité, bien ancrés les « deux pieds dans le même sabot »… Donc, tel l’habit qui ne fait pas le moine, l’écran ne fait pas le moderne.

Pour nous, la valorisation dynamique est celle de l’occident. Nous sommes des modernes. En quoi ? Nous allons toujours voir ce qu’il y a derrière la montagne !


La médecine, la technique, mais aussi les expéditions, la recherche dans toutes les matières et leur mise en œuvre à travers la technologie, mais aussi les recherches telle que la psychologie… Quelle qu’elle soit, qui que ce soit, nous y allons. Et derrière, il y en a toujours une autre. Et nous y allons. C’est notre essence. C’est cette modernité, être de son temps ET aller toujours voir derrière la montagne qui nous a amené à cette position dominante.

 

Hélas, hélas, mille fois hélas.

Cette modernité s’est heurtée… à elle-même.

Le « Carpe diem », à savoir « Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain », littéralement « cueille le jour, et [sois] la moins crédule [possible] pour le [jour] suivant », invitait, certes à profiter du présent, mais, à la fois sans tomber dans les tourments et inefficacités de l’inquiétude, et à la fois à s’améliorer en tant que personne. On pourrait le résumer en « habites-toi toi-même pleinement (et apprends à le faire) », cousin germain d’un certain « Deviens ce que tu es » Nietzschéens.

 

Mille fois hélas, car nous sommes tombés dans deux travers :

  • Pour ne pas être dans l’inquiétude, nous avons trouvé un moyen.  Nous consommons. Toutes et tous, nous consommons tout. toujours. Tout le temps. Même, ainsi que l’a montré le sociologue Dominique Desjeux, professeur d’anthropologie sociale et spécialiste de la consommation, en montrant au passage le lien écologie/consommation : plus on s’élève, plus on est écologique, plus on fait par soi-même (le DIYA) et plus on a, par exemple, une cafetière coûteuse tant en achat qu’en consommation.

Plus encore.

Plus on critique la consommation, plus on consomme, tant à la critiquer qu’à acheter des matériaux, livres, outillages de toute sortes pour se montrer dé-consommateur.

C’est simplement un transfert de consommation.

Mais nous consommons tout. toujours. Tout le temps.


  • L’autre travers, tout aussi important, c’est la montagne. Nous n’allons plus derrière. La créativité, tant vantée, n’est pas, n'est plus vraiment au rendez-vous. Nous faisons très très majoritairement de l’innovation incrémentale : nous prenons des objets et nous les améliorons. Sans plus. Même le champion toutes catégories de l’énergie d’entreprendre, Mr Elon Musk, ne fait « QUE » des fusées. Améliorées certes depuis Saturne V et la lune. Mais « que » des fusées de la même pensée. : rien d’autre que le principe « action/réaction » qu’ont commencé à explorer les chinois il y a plusieurs milliers d’années. Principe développé ensuite avec les canons.

    Hormis internet, les PC et autres téléphones portables, les innovations de rupture, donc la créativité, sont quasi inexistantes. Certes, quelques contrexemples : les voiliers avec leur foil, mais dans la quantité nous sommes très loin de notre modernité d'aller voir derrière la montagne : malgré des milliards consacrés à l'innovation, par exemple, nos éoliennes ne sont que des moulins à vent revisités et la géothermie est connue depuis des millénaires.

 

Notre « post modernité » est un naufrage.

Sur nombre de registres.

Le « Carpe diem » évolutif, s’est transformé en une jouissance du présent, sans vouloir ni améliorer, ni transmettre.

La gestion remplace le politique. Aucune décision sans sondage. Imagine-t-on De Gaulle demander un sondage avant de lancer son appel du 18 juin ?

Et nous nous retrouvons finalement avec des organisations qui prennent des décisions avec de l’information. Ce qui est le principe même du « tournage en rond ».

Exit la vision, adieu notre « derrière la montagne ».

 

Hypermodernité

Certains courants nous disent que nous sommes passés à l’hypermodernité depuis les années 1980. Cette modernité naufragée est un "entre deux" qui ne mène nulle part.

Plus de Traditionalisme.

Plus de Modernité.

Mène nulle part ? Pas vraiment. Mène à la mort, par entropie. Entropie : quand il n’y a plus d’information nouvelle. Information étant, bien entendu, totalement à l’opposé de ce que nous présente les « influenceurs » sur les réseaux sociaux).

Sans courant pour nous porter nous avons dérivé de plus en plus. Exit les grands projets, les grandes visions. Même Lune et Mars sont majoritairement rejetés au fait que .... "il y a déjà tant à faire sur Terre" et que « à quoi ça servira ? ». Ce genre de phrase révèle fortement le paradigme de stagnation qui nous imprègne. De dérives en dérives s’est installée une prise de conscience anxiogène de graves problèmes de dérégulations socioéconomiques, sanitaires et environnementales. On passe de l'épanouissement de soi à l'obsession de soi (crainte de la maladie, de l'âge…).

Non seulement Pinocchio ne va plus à l'école (l'ouverture), non seulement il reste à jouer dans les manèges (notre consommation maladive), mais en plus il a peur d'en sortir.

Nous avons aussi inventé un garde-fou pour ne pas en sortir : le principe de précaution. Pertinent pour rester dans notre manège qui va nous emmener à être des ânes, mais aussi magnifique parapluie pour les politiques : "je vous protège de tout écart, de toute aventure". Nous avons remplacé le "principe de construction" de la modernité par le "principe de précaution".

Dit autrement : l’avenir est mort et il fait peur.

 

Adieu notre « derrière la montagne ?

La machine est cassée. Et aucune réparation n’est possible car elle serait, par définition, issue du même paradigme. Comment pourrait-il en être autrement ?

Et les foils de nos voiliers ne serviront qu'à quelques happy fews (comme toujours) soit en course soit en sport plaisir haut de gamme.

Les fusées de Musk emmèneront quelques personnes sur Mars. Les ramèneront ? Sans doute. Avec d’innombrables problèmes tant de santé que psychologiques ou techniques. Mais elles n’ont pas la puissance de nous redonner du rêve, de revouloir aller de nouveau derrière la montagne. En plus, Mars, personne ne la voit, ne l’a vu. Nous faisons tous confiance aux scientifiques, mais, à l’inverse de la Lune que tout le monde voit, a vu, ça reste une abstraction.

L’imagination est en panne et notre capacité à l’abstraction décroit.

Nous serions -déjà- devenus des ânes ?

 

Sauf si ?

Sauf si… on prend le problème autrement.

Le problème est que nous sommes entrés en entropie (autre mot pour dire « mort » donc) et que toute solution ne pourra qu’accélérer le processus, étant issue du même paradigme de "solutionner".

Donc…. On ne s’occupe pas du problème. Mais même à ne pas vouloir s’en occuper, on s’en occuperait quand même, toujours inclus dans le même paradigme de penser.

Sauf si … on change, non pas la chanson, ni les paroles. Mais l’air.

On ne s’occupe plus des mots, du vocabulaire, des idées : ces mots, ce vocabulaire, ces idées sont issues du même creuset. Utiliser les mots pour changer les mots, revient à prendre un bidon d’essence pour éteindre un feu.

Non, il faut changer de grammaire.

Notre grammaire, c’est notre structure de résolution de problème. Elle n’est plus adaptée.

 

C’est bien l’objet de nos compétences, de notre cœur de métier, de notre mission.

Solutionner ? Oui. Autrement.

 

Il n’est plus question d’aller derrière la montagne. Il est désormais question de prendre en main nos volontés. Pas celles « spontanées » (la modernité, issue d’une culture) ni mortifère : tout système qui stagne, s’équilibre, entre en « Homéostasie » autre mot pour dire « équilibre ». Tout système qui est en « homéostasie » n’a que 2 directions. Muter ou mourir (entropie).



Comment l’appeler cette « non post-modernité » ? Impossible à dire. La chose précède toujours le nom. Et cette "chose" n'est pas là. Pas encore.

Créons, par ruptures, mutations ... une autre façon de solutionner, basée sur autre chose, et les suivants sauront bien trouver un nom.

 

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